l’État capturé, le peuple muselé (par Dr Félix Atchadé). - Glouziletnews

L’État capturé, le peuple muselé (par Dr Félix Atchadé).

Situation sociopolitique en Côte d'Ivoire.

L’État capturé, le peuple muselé (par Dr Félix Atchadé).

Source : Glouzilet News Edition -- (Agence GLOUZILET) Date : 14-04-2025 22:51:36 -- N°: 24 --

Cette opération est réservées aux personnes identifiées
Vous êtes prié de vous connecter ou de vous inscrire

Bien venu sur notre plateforme.

Pour la promotion de votre activité, et même de sa création à partir de nos outils, vous pourrez créer, autant que vous le souhaitiez, des sites internet, avec une simplicité et un temps record.

Notre mission est de vous accompagner dans le domaine de la communication numérique de vos business.

Vous aurez, par la suite, la possibilité de publier des articles de presse et des vidéos pour faciliter la divulgation d’informations de tous champs

Merci d’avoir choisi

Mot de passe

Dr Félix Atchadé, Médecin, spécialiste de Santé Publique et d’Éthique Médicale.

image -- l’État capturé, le peuple muselé (par Dr Félix Atchadé).

Avril 2011. Le Temps de Genève publie une caricature saisissante de Patrick Chappatte : Alassane Ouattara, costume sombre, écharpe présidentielle au torse, entre dans le palais. À ses pieds, un tapis rouge recouvre des cadavres ensanglantés. À droite, un militaire salue. À gauche, un autre garde, kalachnikov en main. Ce dessin, loin d’être une simple satire, est devenu un symbole durable : celui d’un pouvoir né dans le sang, consolidé par la force, et maintenu par la peur.

Le Président Ouattara n’est pas arrivé au pouvoir par les urnes, mais par la violence militaro-diplomatique. Tenu dans une Côte d’Ivoire coupée en deux, le scrutin de 2010 n’a pas tranché un choix démocratique : il a révélé l’ampleur de la désunion nationale. Ce n’est pas l’élection qui a départagé les candidats, mais les bombes françaises et les blindés onusiens.  Tandis qu’Abidjan était bombardé par l’aviation française, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), ex-rebelles recyclés, entraient dans la capitale.

Le Président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont alors transférés illégalement à la Cour pénale internationale, en violation de toutes les procédures judiciaires nationales.  Dix ans plus tard, ils sont acquittés.  Aucun responsable du camp de l’actuel pouvoir ne sera jamais inquiété pour cette déportation ni pour les crimes commis pendant l’offensive.

Dans l’ombre, un autre drame se joue : le massacre de Duékoué. En mars 2011, près de 800 civils, du groupe ethnique guéré, sont tués par les FRCI et les milices dozos . Amnesty International, la FIDH et l’ONU évoquent un crime de masse à caractère ethnique. Silence absolu. Aucune poursuite. Aucune enquête sérieuse. La règle est édictée dès le départ : l’impunité pour les proches, la répression pour les autres.

La justice comme machine à broyer : vingt ans, c’est la norme

Dès lors, la justice devient un instrument de terreur politique. Le chiffre clé du régime ? Vingt ans. Vingt ans pour Guillaume Soro. Vingt ans pour Simone Ehivet Gbagbo. Vingt ans pour les cadres du PPA-CI. Et quand ce n’est pas la prison, c’est l’exil ou la radiation. Affi N’Guessan est traqué comme un criminel. Le président Laurent Gbagbo est empêché de se présenter. Candidat l, Tidjane Thiam pourrait être écarté du scrutin d’octobre 2025 au nom d’une polémique opportunément ravivée sur sa nationalité. Il ne s’agit pas de juger, mais d’éliminer.

Cette logique répressive a inspiré une chanson culte : « Gouvernement 20 ans », de Tiken Jah Fakoly.  Avec ironie et amertume, l’artiste y dénonce une dérive où l’opposition est condamnée par principe. Depuis cette chanson, Fakoly a été écarté des scènes officielles.

Koua Justin du PPA-CI en est l’incarnation tragique. Arrêté, emprisonné, isolé durant plus de deux ans. Rongé par la violence, mais debout, en témoin. Il déclare avoir été victime d’actes inqualifiables durant sa détention. Pas des rumeurs. Pas des « on-dit ». Un témoignage direct. Accablant. Silencieux, le parquet se contente de « clarifications » techniques sur son dossier. Aucune instruction ouverte. Aucune poursuite.

Fausse croissance, vraie misère et simulacre démocratique

En 2016, Le Président Ouattara franchit un cap. Il réécrit la Constitution pour briguer un troisième mandat en 2020. Résultat : 94 % des suffrages. Les opposants boycottent ? On les traque.  Les manifestants protestent ? On les matraque. Les ONG observent ? Elles concluent à un scrutin non inclusif et non transparent. Et pendant ce temps, les « microbes », milices de rue aux ordres du régime, assurent la répression avec machettes et gourdins.

On vante à l’étranger la croissance ivoirienne. Elle existe, oui. Mais pour qui ? Certainement pas pour les 46 % d’Ivoiriens vivant en pauvreté multidimensionnelle, ni pour les jeunes massivement sans emploi, ni pour les enseignants, les paysans ou les travailleurs informels. Cette richesse, produite à coups d’exportations et d’endettement, est confisquée par une oligarchie économique liée aux cercles du pouvoir et interconnectée aux réseaux de la Françafrique.

Les indicateurs humains parlent d’eux-mêmes : une espérance de vie à la naissance de 59 ans en 2022, soit deux ans de moins que la moyenne d’Afrique subsaharienne ; un classement 166e sur 193 pays à l’Indice de développement humain (IDH) du PNUD ; une incidence de pauvreté monétaire estimée à 37,5 %.  Derrière les grands projets, les chantiers tapageurs, les indicateurs macroéconomiques flatteurs, le quotidien de millions d’Ivoiriens reste marqué par l’exclusion, la précarité, et l’invisibilité.

Pour masquer cette injustice, le pouvoir brandit la carte identitaire. Il se pose en défenseur des nordistes et des musulmans, face à un prétendu « péril du Sud ». Une vieille recette : diviser pour régner. Mais la misère, elle, ne connaît ni ethnie ni région. Le communautarisme n’est qu’un écran de fumée pour dissimuler un néolibéralisme violent et un autoritarisme marchand, greffés aux rouages voraces de la Françafrique.

À l’approche de la présidentielle, tout laisse penser que le Président Ouattara prépare un quatrième mandat. La Commission électorale indépendante (CEI), déjà verrouillée, écarte des électeurs, trafique les listes et viole ses propres règles. Face à cette dérive, l’ancien président Laurent Gbagbo a rompu le silence.

Dans un communiqué daté du 11 avril 2025, il annonce que son parti, le PPA-CI suspend sa participation à la CEI, qu’il qualifie « soumise à un pouvoir qui refuse l’alternance ».  Et de lancer un avertissement solennel : « Nous ne voulons plus d’un autre 11 avril 2011 », et appeler à un véritable dialogue national pour éviter la répétition du chaos.

Son alerte confirme un constat implacable : le régime ivoirien ne tolère ni opposition ni débat. Il transforme les lois, muselle la presse, réprime la rue. Mais aucune République ne survit durablement à un tel niveau de déni démocratique.

Dr Félix Atchadé

 

 

.
Docteur Félix Atchadé est Médecin, spécialiste de Santé Publique et d’Éthique Médicale. Il travaille sur les questions d’équité et de justice sociale dans les systèmes de santé. Militant politique, le Dr Atchadé participe à l’oeuvre de refondation de la gauche sénégalaise.

Glouziletnews
Les publications de Glouziletnews